Encounter in a Lonely Place


   "You read minds," I said.
   "Reading's the wrong word," he said. "And it isn't minds..." Here, he stared once up the road that branches above the post office before looking back at me. "It's mind."
   Souvent les capacités psi sont considérés comme une opportunité, pour les individus qui les possèdent, de pouvoir agir avec un avantage sur les autres. Pourtant, dans certains cas, ces pouvoir vont en trainer des réactions opposées à celles escomptées; trop particuliers, ils deviennent un handicap, une malédiction, la source d'un malheur.

   Dans cette courte nouvelle*, le narrateur (non nommé) est abordé par un certain Cranston à la poste alors qu'il lisait un article sur les ESP (extra sensorial perception) dans une revue scientifique. Selon une source internet**, il semble que Frank Herbert rapporte ici indirectement un récit de jeunesse. Cranston dont la présence semble inhabituelle en ce lieu réagit par rapport au titre du texte (une critique scientifique d'un tel phénomène) et fait part au narrateur de son expérience. Il lui décrit comment il put "voir" par le biais de la vision d'une femme dont il était amoureux qui horrifiée par une telle capacité préféra s'enfuir.
Cover: Jack Gaughan
   Le narrateur présenté comme un rationaliste renfrogné ne veut rien y croire et cherche constamment lors du récit à minimiser la portée 'fantastique' de l'évènement. Pourtant, Cranston n'est pas venu par hasard ce jour à la poste, comme il le dit lui même: "I was... hoping to see someone". Comme il est en contact avec cette jeune femme par la vue, il savait qu'elle se rendrait aujourd'hui pour retirer une lettre.
   Alors qu'il finit son récit dont le narrateur ne croit toujours pas un traitre mot, la jeune femme arrive, récupère son courrier qu'elle lit et Cranston lui adresse la parole. Elle exprime alors un sentiment authentique d'horreur et de répulsion avec une étrange incantation à ce qu'il sorte de son esprit.
   "You!"she screamed. Her right hand came up with the index and little fingers pointed at Cranston in a warding-off-evil sign that'd thought died ou tin the middle-ages. "You stay out of my head... you... you cottys!"

   Cranston vient juste de faire la démonstration de son pouvoir étrange, celui de voir par les yeux d'une personne, devant le narrateur en restituant le contenu de la lettre sans l'avoir eu dans ses propres mains. Ce dernier est littéralement transformé par l'expérience, et alors que jusqu'à présent il pensait que Cranston ne cherchait qu'à attirer un peu d'attention sur lui, il développe un intérêt tout particulier à faire étudier le phénomène scientifiquement et cherche à le convaincre d'aller faire connaître et reconnaître sa situation.

    À ce point du récit, nous sommes passés d'un état d'incrédulité à celui de la révélation, via un aspect fantastique. Pourtant, loin de se limiter à être un simple phénomène psychique mesurable, à un objet d'étude scientifique anonyme, on va comprendre qu'il s'agit avant tout d'un drame personnel, d'une malédiction qui ne peut être conjurée.
   Cranston est amoureux de cette fille qui ne lui a jamais montré un quelconque intérêt, et il est visuellement connectée à elle sans qu'il n'y puisse rien: non intentionnellement, il déborde dans son intimité au quotidien à son insu, créant cette relation insupportable dans laquelle il partage de force la vie d'une personne qui le repousse, l’abhorre pour ce qu'il est, pour ce qu'il fait.
   C'est afin de protéger cette ultime intimité qu'il se refuse à faire l'étalage publique et scientifique de cette relation inconfortable.
   "There's the only woman I ever loved,"Cranston said. "Only woman I ever could've married... she thinks I'm the devil himself!" He turned and glared at me. "You think I want to expose that?"

   Quelque part, aussi court et anodin ce texte nous semble t'il, il est une forme de prémonition d'un thème plus largement élaboré dans Dune: le pouvoir psi comme une charge, une malédiction qui vous colle et dont vous ne pouvez vous défaire, qui vous oblige et vous condamne.


* "Encounter in a Lonely Place" in The Book of Frank Herbert, 1973, p70
** Sur le blog Frank Herbert: the Works

 
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cet article est publié dans le cadre du Défi Frank Herbert
organisé par Anudar et co-hosté par DAR


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