le Troisième Chimpanzé

   «La lenteur du vieillissement est un trait tout aussi crucial du mode de vie de l'espèce humaine que le sont, par exemple, la formation de couple ou la dissimulation de l'ovulation. La raison en est que notre mode de vie dépend de la transmission du savoir.»
   Le renforcement des liens intergénérationnels et de l'éducation des plus jeunes continuent, je pense, d'être les facteurs qui sauveront nos sociétés modernes de leur propre périls.

   Cet instructif et pédagogique essai sur l'évolution et l'avenir de l'animal humain me fut sympathiquement offert par mon cadet. Lorsque je lui demandai ce qui guida son judicieux choix, il m'avoua qu'il en ignorait complètement la teneur et me dit: «simplement, le titre et l'illustration me semblaient correspondre à tes penchants». Je suis démasqué.
   Quatrième de couverture
   L'homme partage partage plus de 98% de ses gènes avec le chimpanzé pygmée et le chimpanzé commun. On en mesure habituellement peu les implications.
  Le langage, l'art la technique et l’agriculture — qui distinguent ce troisième chimpanzé — sont le fruit d'une évolution non pas seulement anatomique, mais également comportementale: le faible nombre de petits par portée, les soins parentaux bien au-delà du sevrage, la vie en couple, l'espérance de vie, la ménopause particularisent le cycle vital de l'homme. à quel stade le troisième chimpanzé fit-il le saut quantique en matière de réussite évolutive, avec l’acquisition de l'aptitude au langage, il y a moins de cent mille ans?
  Depuis lors l'animal humain déploie tous ses traits particuliers — notamment son aptitude unique à détruire massivement son genre et les écosystèmes, à ruiner la base même de sa propre alimentation.
   Génocide et holocauste écologique posent désormais la question cruciale de l'extinction de l'espèce humaine, à l'instar de milliards d'autres espèces disparues au cours de l'histoire de l'évolution.
   L'ouvrage a près de vingt ans d'âge, ce qui pour un livre traitant de science  du vivant peut toujours faire courir un certain risque d'obsolescence, mais comme pour ceux de Stephen Jay Gould, il conserve une certaine persistance. en proposant une mise en perspective des fondements des connaissances et savoirs sur des sujets d'éthologie et d’anthropologie. Pour un profane, un genre d'ouvrage tout à fait convenable car il échappe à l'exhaustivité et à la complexité des articles purement scientifiques. L'intérêt de cette vulgarisation réside essentiellement dans le fait de se faire présenter de manière concise — mais non simpliste — et personnalisée à la fois des théories établies et des vues personnelles. Distinct des exposés, les commentaires de l'auteur, construits autour de ses réflexions et expériences, rendent la lecture encore plus instructive et surtout permettent de s'affranchir de certaines prénotions ou représentations archétypales fausses.

   Même si je manquai de peu de lâcher l'ouvrage dans la seconde moitié, c'est plus par boulimie que manque d'intérêt. La diversité des thématiques abordées permettent concrètement de se représenter la singularité de l'humain et de son évolution en tant que troisième chimpanzé; avec seulement 1,6% d'écart d'avec pan paniscus, la réussite biologique de homo sapiens n'est pas dû qu'à quelques gènes divergents seulement, il existe une prédisposition qui nous vient de nos ancêtres communs sur lesquelles se sont ajoutées des qualifications techniques et linguistiques que d'autres groupes n'ont pas acquis, pas su apprendre ou pas pu cultiver.
  
   L'auteur nous propose de commencer par des aspects biologiques avec une première partie qui retrace une approche de l'histoire de l'humanité depuis son aube il y a quelques six millions d'années jusqu'à il y a dix mille ans juste après l'apparition de l'agriculture puis une deuxième partie qui s'intéresse aux changements du cycle vital qui affectèrent les hommes(vieillissement et sexualité). Ensuite il aborde les caractéristiques culturelles qui singularisent l'homme tel que l'art, le langage, la technique, l'agriculture et le comportement. Ensuite les deux dernières parties sont plus négatives, portant sur les capacités destructrices des hommes qui ne sont ni singulières ou ni modernes: la xénophobie et la destruction d'écosystèmes ne sont pas l'apanage des humains, mais lui seul peut le faire consciemment sur une telle échelle.
  
  Tout au long de l'essai, et avec un ton très non-rousseauiste, la mise en perspective humain/animal permet de mieux comprendre, tant dans ce qui différencie l'homme de l'animal de ce qui les rapproche, en quoi nous ne sommes à la base que des mammifères parmi d'autres mais qui agissent avec bien plus de conséquences sur son environnement et sa propre espèce.



Le Troisième Chimpanzé, Jared Diamond
the third chimpanzee; the evolution and future of the human animal (1992)

Monkey, Sexe et Sélection.
Éd. Gallimard Coll. folio essais, France, 2000
ISBN 9782070441334




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